Aller au contenu
retour

Maudite sloche, entre souvenirs et fantasmes

« Je suis un amoureux de la région depuis longtemps, le territoire je l'ai parcouru d'un bord à l'autre, je n'aurais pas écrit cette histoire ailleurs, c'est ici que ça se passait. »

- Carol Courchesne
Par Sophie Mediavilla-Rivard

Figure connue de notre cinéma régional, Carol Courchesne a audacieusement bifurqué vers la littérature en nous offrant un premier roman uchronique et initiatique, Maudite Sloche. Cette œuvre autofictive où s’entremêlent des anecdotes vécues et créées de toutes pièces est disponible en librairie depuis le 20 octobre dernier.

« Le lancement a été fou raide, ç’a été plein de monde pendant quatre heures. C’était une grosse dose d’amour, ça m’a rempli de bonheur », se remémore Carol Courschene après que la poussière soit retombée de cet événement qui a eu lieu au bar-librairie Livresse. Et l’engouement pour ce nouveau projet de l’artiste était justifié : ce premier roman est charmant, sans tabous et malgré ses thèmes classiques, sort des sentiers battus.

Carol Courchesne et Annie Boulanger, devant les invité.e.s, lors du lancement du livre à Livresse.

Le coup de foudre de Cécil
Dès le premier chapitre, il est impossible de ne pas s’attacher à Cécil, le personnage principal de cette histoire qui met en scène son quotidien rocambolesque en 1992. Le jeune de 18 ans, complexé par son poids et par son manque d’éducation, manque de confiance en lui et d’ambition. Pourtant curieux et sensible, il cheminera tout au long du roman pour réaliser sa valeur.

Des personnages secondaires importants côtoient le héros qui vend des beignes et du café chaque nuit. Si au départ, Cécil ne semble proche que de sa grand-mère, il se lie rapidement d’amitié avec sa collègue Patricia et son amie Suzie, ainsi qu’avec un client régulier, Maurice. À la suite d’une mésaventure, il se retrouve même avec un colocataire, Billy-Bob, qu’il héberge temporairement dans son petit appartement.

Suivre le personnage très introverti dans ses réflexions par rapport aux relations qu’il entretient est un réel divertissement pour le lectorat. L’empathie nous submerge par moment, et on aimerait à la fois donner un câlin et un bon coup de pied dans le derrière au cher Cécil.

Le jeu narquois de l’autofiction
Maudite Sloche fait également le récit des premiers ébats amoureux du jeune homme, qui a une liaison enivrante avec Liliane, une femme qui pourrait être sa mère. Le fondateur du feu Festival du DocuMenteur avoue avoir inventé cette partie de l’histoire, qu’il relate avec humour et sensibilité. Ce ton familier nous porte d’ailleurs à nous questionner : des anecdotes racontées par l’auteur, lesquelles sont vraies et fausses ? «J'aime ça jouer avec le vrai et le faux, mêler le monde, créer des genres de mythes », avoue Courchesne.

Maudite Sloche, illustré par Annie Boulanger

« Ç’a été vraiment de la psychanalyse, je me suis ressouvenu de plein d'événements de cette époque-là que j'avais complètement oublié », explique-t-il. Sa démarche d’écriture, qu’il a entamée en octobre 2020, est spontanée : « Quand j'ai commencé à écrire, je n'avais aucune idée d’où ça s’en allait. J'avais seulement une anecdote, et je suis parti de là. Il s'est écrit tout seul le roman. »

La vision d’un Québec souverain

Je suis toujours heureuse lorsque j’ai l’impression d’être transportée dans ma région d’origine lorsque je me plonge dans une œuvre d’art, et ce sans quitter Montréal et faire neuf heures d’autobus. Bien campé dans son territoire, Carol Courchesne multiplie les références à l’Abitibi-Témiscamingue : « Je suis un amoureux de la région depuis longtemps, le territoire je l'ai parcouru d'un bord à l'autre, je n'aurais pas écrit cette histoire ailleurs, c'est ici que ça se passait. »

Des éléments fictifs viennent toutefois s’imbriquer dans ce décor boréal, puisque l’auteur imagine un Québec indépendant depuis le référendum de 1980. Une République démocratique où les Premières Nations reprennent leur place, où la vie politique bat son plein et où l’équipe de hockey de Québec pourrait rafler la coupe…

D’ailleurs, Carol Courchesne précise avoir porté une grande attention aux détails de l’univers dans lequel il campe ses personnages, puisqu’il compte le réutiliser dans une suite à Maudite Sloche. « Les grandes lignes sont là, mais il manque plein d'affaires [pour la suite]. Ça va être encore de l'autofiction, mais avec plus de science-fiction », annonce l’auteur. Cécil, Patricia et Billy-Bob n’ont donc visiblement pas fini de nous séduire !