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La route des explorateurs, partie 3: L’industrie forestière

Blocus de Napoléon

La guerre, qui éclate en 1793 entre la France et la Grande-Bretagne, sera à l’origine d’un grand changement dans l’économie de la Nouvelle-France. Napoléon domine alors l’Europe continentale et souhaite conquérir l’Angleterre. Afin de ruiner l’économie britannique, il impose donc un blocus continental, empêchant tout commerce entre les pays sous domination française, liés par le décret de Berlin, et les marchands anglais. Par dessus tout, c’est l’approvisionnement en bois qui manque le plus à l’Angleterre, car elle doit maintenir la suprématie de la Royal Navy. Sans bois, la construction des navires de guerre est compromise. Londres, qui doit réagir vite, opte aussitôt pour la seule solution viable : l’approvisionnement en bois dans ses colonies du Canada. L’abolition des tarifs douaniers sur le bois d’outre-Atlantique favorise alors grandement ce secteur économique, aux dépens de la traite des fourrures, dont le déclin s’annonce.

Fondation de Hull

L’expansion rapide de cette économie entraîne vite le besoin de découvrir de nouveaux territoires riches en pins blancs et en pins rouges. Vers 1800, des pionniers prospères, comme Philemon Wright, s’installent alors sur la Rive nord de la rivière des Outaouais. D’abord intéressé à fonder une communauté de fermiers, il finit par se tourner plutôt vers le commerce du bois pour financer la colonie et pour occuper ses habitants l’hiver. Il construit alors plusieurs bâtiments, dont un moulin à scie, et ce secteur prendra le nom de Wright’s town, qui deviendra plus tard la ville de Hull.

Dans les Laurentides

La recherche de pins se propage jusqu’aux Hautes-Laurentides, d’abord de façon presque marginale sur les rivières Nord et Rouge, puis de façon plus prononcée à partir des années 1835 et nettement plus active dans les années 1850. Cependant, la Grande-Bretagne met fin à partir de 1840 à sa politique de tarifs douaniers préférentiels encourageant l’industrie forestière de sa colonie et la vie en chantier devient de plus en plus dure. Malgré cela, de nombreuses fermes forestières se développent. Destinées à approvisionner les chantiers de bûcherons et à assurer leur autosuffisance, ces fermes sont situées au centre d’immenses forêts parsemées de chantiers. Seuls établissements permanents de la forêt, elles sont accessibles uniquement en canot, en rabaska ou à pied et servent non seulement de grenier, mais également d’hôtel pour les visiteurs, de bureau de poste et parfois même de chapelle.

En Abitibi-Témiscamingue

Le Témiscamingue, plus facilement accessible par voie d’eau, sera le premier territoire de la région à être dans la mire des industriels forestiers, vers 1880. Des concessions et des droits de coupe sont alors accordés autour des lacs Kipawa, des Quinzes et Simard. Les bûcherons, de plus en plus nombreux (ils sont quelque 2000 en 1885), s’installent progressivement au Témiscamingue, devenant agriculteurs durant l’été. Ce n’est qu’au début du 20e siècle que l’Abitibi, désormais accessible par chemin de fer, fait son entrée dans l’histoire forestière. À cette époque, les dirigeants canadiens réalisent l’importance économique de l’industrie forestière et imposent, en 1910, un embargo sur le bois. Alors que les billots étaient auparavant destinés directement à l’exportation, ils doivent maintenant être transformés avant de quitter le pays. Ceci favorise grandement l’implantation de moulins à scie et d’entreprises de pâtes et papiers, permettant ainsi d’accroître la richesse et d’augmenter le nombre d’emplois. Certaines de ces compagnies érigent même des villes pour leurs travailleurs, telles que la Riordon Pulp and Paper Co., qui a fondé la cité-jardin de Témiscaming.

Le Musée de la gare est un lieu incontournable pour en apprendre davantage sur la ville de Témiscaming et son histoire.
Photo : gracieuseté.

Les chantiers et les conditions de vie des travailleurs

Dès l’automne, les bûcherons se rendent dans la forêt où ils resteront tout l’hiver, car les routes enneigés facilitent le transport des billes par boeuf ou cheval jusqu’à la rivière. Au coeur du chantier, se trouve la cambuse. Ce petit camp massif en rondins calfeutrés de mousse ou d’herbe sert de cuisine, en plus d’être très souvent un dortoir abritant la majorité des bûcherons, à l’exception du contremaître et de son commis, ainsi que du mesureur et des autres visiteurs de passage, et un lieu de rassemblement. Bien que sa grandeur varie selon l’importance du chantier, sa hauteur tourne toujours autour de 7 pieds, afin de conserver plus facilement la chaleur. En son centre, un grand foyer est aménagé sommairement sur le sable, car la cambuse, par son caractère temporaire, ne possède jamais de fondations. Des lits superposés, parfois infestés de poux ou de punaises de lit, accueillent, le soir, les bûcherons épuisés.Travaillant six jours sur sept dans des conditions difficiles et même dangereuses, parfois dans des froids extrêmes, les bûcherons mènent une vie presque monacale, avec l’interdiction de tout alcool, le silence souvent réglementaire durant les repas et les couvre-feux imposés par le manque d’éclairage dès le coucher du soleil. Pas étonnant qu’ils aient donc la réputation, dès leur retour à la civilisation, de boire abondamment et de semer la pagaille. Avec l’isolement et l’ennui qui les tenaillent, leur seule consolation semble être les repas, qui se veulent copieux et très soutenants, quoique composés principalement de lard, de fèves et de pommes de terre. Quelques fois, pour se distraire, les bûcherons se regroupent en soirée pour faire de la musique et  se raconter des histoires. C’est ainsi que la tradition orale des contes et légendes s’est taillé une place importante dans les débuts de la littérature québécoise.

La drave

Au printemps, les plus téméraires participent à la drave, un travail encore plus dangereux que la coupe du bois. Les pieds dans l’eau glacée ou en équilibre sur des billes, ces hommes dirigent le flottage du bois pour qu’ils glissent dans les rivières et sur les lacs jusqu’aux scieries de Québec et de Saint-Jean. Munis de perches, ils sautent d’un billot à l’autre pour décoincer et guider les troncs. Jusque dans les années 1960, la drave reste le principal mode de transport des cargaisons de bois. Les troncs sont attachés à d’énormes radeaux appelés des cages que de petits bateaux, où dormaient, entassés, les draveurs, tiraient lentement. Puisque la glace, à peine dégelée, produit parfois des embâcles (obstruction complète du lit d’un cours d’eau), l’utilisation de la dynamite est alors nécessaire et s’avère à l’occasion fatale pour les travailleurs.

La visite du T.E. Draper permet de s'initier au monde de la drave et de connaître le quotidien des travailleurs s'affairant sur ces bateaux.
Photo : Mathieu Dupuis

Pour en savoir plus sur la drave :

 Parc des chutes Coulonges 

 T.E Draper

Parc national d’Opémican

Pour en savoir plus sur la vie dans les chantiers de bûcherons :

Chantier Gédéon

Tonga Lumina – un parcours nocturne sur les traces du géant

Pour en savoir plus sur la cité-jardin de Témiscaming :

Musée de la gare