8 heures 30 du matin. Moins dix degrés Celcius. Le soleil flamboie, on ne perçoit aucun souffle de vent, une trace de neige fraîche recouvre le sol, l’air ambiant est sec et le ciel est bleu. Un temps parfait! Ma motoneige ronronne à l’extérieur pendant que je termine fébrilement mes derniers préparatifs.
Dehors, la neige crisse sous mes pas alors que je me dirige à la manière d’un lutteur sumo vers mon compagnon de voyage, déjà bien installé derrière son guidon. Que voulez-vous? Quand on est un peu enrobée, les vêtements de motoneige ne nous avantagent pas toujours, mais bon!
Premier arrêt : le local du club de Rouyn-Noranda. Tous les intéressés étaient invités à s’y rendre en cette matinée pour une randonnée d’une journée. Il y a déjà du monde. J’identifie un casque ici, une motoneige là. Les moteurs sont coupés. Pas question de gaspiller de l’essence. On attend que sonnent 9 heures pour donner le signal du départ. Direction La Sarre par la TQ 93 avec un crochet par La Reine. Un parcours d’environ 280 kilomètres aller-retour, soit 6 heures de randonnée ou plus selon la vitesse de croisière et le nombre d’arrêts. L’heure du départ étant enfin arrivée, l’atmosphère est vibrante, les moteurs se mettent à tourner un à un. On enfile les casques et la troupe s’ébranle vers le couvert forestier du sentier local menant à la trans Québec.
La ville s’éloigne dans le rétroviseur pour laisser place aux arbres parés de neige. Wow! Se concentrer sur la conduite devient difficile tellement c’est beau. J’ai laissé un petit espace à ma visière pour éviter la buée et profiter à plein du paysage. Ben non! Je n’ai pas le casque dernier cri avec visière chauffante.
Après quelques kilomètres à peine, le meneur arrête le groupe. Je suis des yeux la direction pointée, un lynx se faufile parmi les arbres, mais je n’ai pas le temps de sortir ma caméra. L’espace d’un instant, je perçois sa fourrure grise. Il traverse rapidement mon champ de vision comme s’il était en retard à un rendez-vous galant, l’air préoccupé. Après les commentaires d’usage et les « As-tu vu ça ?», on remonte sur nos fidèles montures. Au passage, je jette un coup d’oeil au bord du sentier et un peu au-delà dans l’espoir de repérer d’éventuels traces d’orignaux.
Chapeau à l’opérateur de la surfaceuse. Le sentier est impeccable! Quand on sait qu’il lui faut des heures pour parcourir le coin qu’on ne mettra que quelques temps à franchir… Je me sens bien, libre. Pas de trafic ou presque. C’est samedi et j’ai l’impression d’être en vacances.
Oups! On arrête de nouveau. Petite discussion concernant notre itinéraire. Heureusement que je n’ai pas à choisir. Ça prendrait une éternité. Plusieurs sentiers mènent à La Sarre, mais j’ai un petit faible pour le paysage dans le secteur de Palmarolle. Quoique j’aime bien le pont couvert de l’île Nepawa. Finalement, on laisse la Trans Québec et on opte pour le sentier local à gauche.
Au refuge chauffé, non loin de Gallichan, on croise la gang des Tamalous (prononcer T’as mal où?), joyeux lurons du secteur de Duparquet. Ils ont l’air de bien se marrer pendant qu’un des leurs s’affaire à changer une pièce. Je tairai ici la marque de la motoneige fautive, mais je me promets bien de relancer Claude, le conducteur, que j’ai reconnu en passant.
Comme la faim se manifeste, on s’attable un peu plus loin au relais de Dupuy. Après s’être régalé d’une pizza délectable et avoir participé aux plaisanteries d’usage, on se remet à nos guidons.
Nous atteignons enfin le petit village de La Reine où se trouve le pont de l’ancienne voie ferrée reliant la région à l’Ontario. Avant de s’appeler rivière La Reine, le cours d’eau qu’il enjambe était nommée autrefois Okikadosag Sibi par les Algonquins, ce qui signifie « rivière du pin gris ». Certains sont rebutés par la hauteur de l’ouvrage de fer et préfèrent descendre sur la rivière gelée, moi, je m’engage sur les traverses, grisée par ma nouvelle hardiesse.
Une fois tout le monde de l’autre côté, non loin du bord de la rivière, vite on se regroupe devant l’attraction principale du coin : des portes géantes en bois de plus de 6 mètres surnommées « les Portes du bout du monde » où l’on pose pour la postérité. Mais nous n’avons pas le temps de nous y attarder, car l’après-midi est déjà bien entamé.
On rebrousse donc chemin en coupant directement par la trans Québec. Le jour décline rapidement et l’horizon est légèrement rosé quand on débouche à nouveau au local du club vers les 16 heures. Une petite tape amicale aux nouveaux amis et on retourne à la maison. Je suis un peu vannée, mais l’air frais m’a fait du bien.
S’il fait beau demain, c’est sûr que je fais une autre randonnée. Vers Amos et le Refuge Pageau, Val-d’Or, Senneterre, le Témiscamingue. J’ai l’embarras du choix. J’ai la chance d’habiter la plus belle région pour faire de la motoneige. Les corvées ménagères pourront bien attendre. On n’a qu’une vie après tout!
- Récit de ma collègue Nicole Gaulin