Alors que le Tour de l’Abitibi bat son plein, nous avons réalisé une entrevue avec l’analyste et commentateur, un grand du monde cycliste en Abitibi-Témiscamingue, Marc Lemay.
À titre indicatif, quels rôles avez-vous joué pour le Tour de l’Abitibi ?
Je connais le Tour de l’Abitibi depuis sa formation en 1968. J’ai fait le Tour comme coureur en 69-70 et 71. Après, j’ai été impliqué dans l’organisation. J’ai commencé comme annonceur, j’ai grimpé les échelons jusqu’à être directeur technique, organisateur… J’ai été impliqué d’une manière ou d’une autre quasiment chaque année.
Vous allez y prendre part de nouveau cette année?
Depuis deux ou trois ans, je suis analyste et commentateur avec Louis Pelletier à Radio NRJ.
Qu’est-ce que le Tour de l’Abitibi représente pour vous?
Personnellement, pour Marc Lemay, le Tour de l’Abitibi c’est ce qui l’a fait connaître et reconnaître au niveau du cyclisme national et international. J’ai été l’organisateur du Tour de l’Abitibi, ça m’a permis de me faire connaître au Québec, du Canada et à l’étranger. Ça m’a permis de gravir les échelons. On a vu que j’étais bon organisateur, je suppose, alors on m’a demandé d’être président de la Fédération québécoise des sports cyclistes, de Cyclisme Canada, après je suis allé sur la scène internationale. Le Tour m’a permis de me faire des contacts, de me faire valoir.
Pour le cycliste ou le gars qui aime le vélo, je pense que le Tour de l’Abitibi a donné à plusieurs cyclistes ainsi qu’à plusieurs villes de la région, la possibilité de se faire connaître sur la scène nationale et internationale. Pour les cyclistes comme tels, c’est vraiment une planche pour se faire connaître. Avant, il n’y avait pas vraiment d’ouverture, pour les athlètes de l’Abitibi-Témiscamingue. Si tu voulais percer, il fallait aller s’entraîner à l’extérieur, à Montréal, à Québec et même en Europe. Le Tour a permis à des athlètes de chez nous de percer sur la scène nationale et internationale.
Le Tour de l’Abitibi a aussi permis de faire connaître une organisation qui est sans précédent, c’est-à-dire, une organisation ou toute une région la prend en charge et fait en sorte que cette épreuve-là, par étape, est la plus ancienne en Amérique du Nord. Il faut le faire. Elle a été présentée de façon consécutive, sans interruption, depuis 46 ans.
C’est un défi extrêmement important pour les athlètes juniors, qui pensent un jour percer dans les rangs de l’élite mondiale. J’ai connu plusieurs athlètes qui sont passés par le Tour de l’Abitibi et qui ont fait le Tour de France ou qui ont percé dans des équipes internationales. Il n’y a qu’à penser à Rollin, Perras et Parisien du Québec ou Lacombe et Deshaies de l’Abitibi-Témiscamingue. Je pourrais en nommer plusieurs. Laurent Jalabert qui est maintenant analyste pour le réseau RTL en France. Il suit actuellement le Tour de France. Il se souvient très bien qu’il a appris à sprinter en Abitibi-Témiscamingue. Je peux vous dire que ça fait une fleur à la boutonnière.
Qu’est-ce que la Coupe des nations?
Quand j’étais à l’Union cycliste internationale, nous avions créé une série d’épreuves pour les athlètes élite, masculin et féminin. C’est ce que nous avons appelé la Coupe du monde. Les meilleurs concouraient ensemble dans une série d’épreuves à travers le monde.
Nous avons voulu faire la même chose pour développer la catégorie junior. Si on veut avoir des coureurs d’élite, il faut commencer à développer la base. De là est venue l’idée de créer ce qu’on appelle maintenant la Coupe des nations. Il y a six ou sept épreuves, mais il n’y en a qu’une seule à se tenir à l’extérieur de l’Europe et c’est le Tour de l’Abitibi
Les jeunes cyclistes ramassent des points lorsqu’ils participent à une épreuve qui compte pour la Coupe des nations. Ces points permettent entre autres de participer à d’autres événements. Alors le Tour de l’Abitibi, en étant la seule épreuve hors d’Europe, dans la Coupe des nations, permet par exemple à des athlètes d’ici de pouvoir se qualifier pour le Championnat du monde. Autrement, ils ne pourraient peut-être pas se qualifier, parce que ce n’est pas tout le monde qui peut se permettre d’aller compétitionner en Europe. Nos jeunes peuvent participer à au moins une épreuve qui donne des points à ce niveau-là.
Il faudra aussi maintenant travailler fort pour attirer des nations pour faire en sorte que le cyclisme junior se développe et permette à des athlètes d'atteindre de hauts niveaux.
Est-ce que cette année en sera vraiment une particulière, nous le sentons entre autres par le nombre de cyclistes?
Je me souviens d'une année où il y avait 160 coureurs au départ (il pourrait y en avoir 170 cette année). Il va y avoir un énorme peloton, qui va faire craindre les chutes. On parle de jeunes qui n'ont jamais, pour la plupart d'entre eux, participé à des épreuves où il y a autant de participants. Lorsque tu es rendu avec un peloton de plus de 100 cyclistes, je peux vous dire qu'il y a des jeunes qui vont être un peu nerveux. C'est très bon pour prendre conscience que si tu veux progresser, il faut que tu apprennes à te frotter, à rouler en peloton. On parle vraiment ici de grosse grosse compétition.
Le spectacle va être d'autant plus intéressant pour les spectateurs. Il va être intéressant de voir comment les jeunes vont se comporter sur la route. J’ai de la difficulté à y aller d'un pronostic, à savoir qui va gagner le Tour de l'Abitibi cette année, parce qu'il y a de nouveaux jeunes coureurs, des Européens que nous ne connaissons pas, ça va ouvrir le jeu probablement, le spectacle sera effectivement fort intéressant!
Pourquoi tenir en Abitibi-Témiscamingue la seule épreuve en Amérique du Nord?
L'organisation était déjà solidement implantée et à ce que je sache, il y a peu ou pas d'épreuve qui se déroule sur plus de quatre jours en Amérique. Pour faire partie de la Coupe des nations, ce doit être des épreuves par étapes. Hors d'Europe il y en a très peu... je ne veux pas trop m'avancer, mais je crois qu'on peut les compter sur les doigts de la même main. Le Tour de l'Abitibi avait un avantage en partant, il est là depuis très longtemps. Pour l'Union internationale de cyclisme, ce qui est important, c'est de faire affaire avec des organisateurs qui s'y connaissent. C'est le cas du Tour de l'Abitibi.
Quel est l'impact du Tour de l'Abitibi dans la région?
C'est très difficile de monnayer les retombées économiques. L'impact médiatique cependant est indéniable. Chaque fois que l'on parle de l'événement à l'extérieur, ça fait rayonner notre région. Le hockey junior fait très bien connaître notre région. On l'a vu avec Val-d'Or cette année. À part ça sur le plan sportif, il n'y a que le Tour de l'Abitibi qui attire l'attention des médias à travers le Québec et le Canada. L'avantage aussi, c'est que le Tour de l'Abitibi se déroule en même temps que le Tour de France. Le lien est facile à faire.
En terminant, si nous invitions la population, les visiteurs à prendre part à l'événement?
J'invite les gens à se masser le long des routes. Allez jeter un œil sur l'itinéraire. Je ne vous demande pas de faire des heures de voiture. Les cyclistes vont parcourir les routes de la région, regardez à quel moment ils vont passer près de chez vous, venez les voir, les applaudir, les encourager. Si un cycliste comme l'Amossois Pierrick Naud se démarque sur la scène nationale, c'est parce qu'il a vu les cyclistes passer devant chez lui, qu'il a participé au Tour de l'Abitibi et que la population était là pour l'encourager. C'est un spectacle, ce sont de jeunes athlètes et c'est très impressionnant. Ils peuvent aller entre 45 et 50 km/h. Je peux vous dire que quand ça passe sur le bord de la route, ça décoiffe! C'est très impressionnant, tout un spectacle!