Vous vous promenez en voiture sous un soleil radieux. Un paysage de conifères et de lacs éclatants défilent de chaque côté quand, au bout d’un tournant, dans une halte routière, une moto attire votre attention. « J’hallucine…», pensez-vous aussitôt. Car un énorme sac-à-dos en toile beige déposé sur le devant et de gros porte-bagages à l’arrière vous font penser à la monture du Che Guevara. L’homme qui se tient à côté n’est pas le Che, évidemment. Il est mort depuis 1967 et vous le savez bien. Pourtant, c’est un homme tout aussi déterminé, un vrai « crinqué » qui, au lieu de traverser l’Amérique du Sud en moto (« Ça servirait à quoi, le Che l’a déjà fait! », vous dirait-il), s’est plutôt engagé à faire 6500 kilomètres sur les routes (la plupart en gravier) du Nord du Québec, du Labrador, de Terre-Neuve et des Maritimes (voir le film No Highway). En regardant ce motard arrêté quelques instants pour prendre en photo sa moto fraîchement sortie du garage (on est le 15 mars), vous vous dites que cet homme doit vraiment bien connaître l’art de rouler.
Même parmi l’ensemble des chauves barbus de l’Abitibi-Témiscamingue (y’en a pas mal...) Marc Provencher ne passerait pas inaperçu. Son regard profond, son sourire charmeur et sa propension à ne jamais suivre les sentiers battus le font inévitablement sortir du lot. « Je ne fais pas beaucoup de compromis, vous confie-t-il, je suis assez direct et passionné. Donc, tout ça m’aide à réaliser mes passions. Il n’y a pas grand-chose qui va m’empêcher de le faire! »
La liberté, c’est d’ailleurs extrêmement important pour lui : « Moi, je dis toujours, ce que tu aimes, laisse-le libre. S’il te revient, il t’appartient. S’il ne te revient pas, il ne t’a jamais appartenu. La liberté, c’est le plus beau cadeau qu’on ne peut pas avoir. » Vous ne pouvez pas vous empêcher de faire un lien avec sa moto et, comme s’il avait pu lire en vous, Marc continue : « C’est tellement cliché, mais la moto, c’est vraiment la liberté. Quand tu y penses, physiquement, t’es assis sur un moteur! Au bout des mains, des pieds, t’as toute cette énergie-là et à part de ce qui est en-dessous de toi, autour de toi et au-dessus, y’a rien. C’est le ciel, c’est l’air, c’est la vue aussi et même les odeurs que t’auras jamais en voiture. »
Sa passion pour la moto, elle ne date pas d’hier. C’est vers l’âge de 11 ou 12 ans qu’il en a enfourché une pour la première fois. Il était alors trop petit et son oncle, propriétaire de l’engin, devait s’arrêter près de la galerie pour qu’il puisse embarquer dessus. Il se promenait un peu, dans les champs de son Témiscamingue natal, et revenait ensuite près de la galerie où son oncle attendait pour la tenir pendant qu’il descendait. Depuis ce temps-là, il a pas mal roulé sa bosse.
En l’écoutant parler de son parcours, vous êtes d’abord étonné et vous vous dites que Marc est un homme de contrastes. Pourtant, dans son passé de mécanicien militaire, sa vie de conseiller municipal, ses expériences de comédien pour la troupe Brin d’folie et son emploi comme propriétaire du Deuxparquatre Pub Brut à Rouyn-Noranda, se cache un point commun : sa grande passion pour la création. « Ce que j’aime, dit-il, c’est créer quelque chose. De partir de zéro et de le monter et que ça marche. Aussitôt que ça tombe dans le fonctionnement normal, les procédures, le quotidien, tu me perds. » C’est probablement pourquoi le Deuxparquatre se présente aujourd’hui comme la meilleure option. Mis sur pied avec Chantal, son amoureuse, afin de rendre l’aventure de la restauration plus amusante, (ils sont aussi propriétaires du restaurant le Saint-Exupéry, juste en face du Pub, et Marc vous dira que sa première année de restauration était plus difficile que le service militaire) le Pub lui permet de satisfaire son grand plaisir à recevoir les gens et aussi de créer : « Avoir du plaisir dans la restauration, c’est aussi de créer des événements. Ça, ça m’anime. Puis en créer des nouveaux aussi, pas des choses qui existent déjà!»
Bâti avec cette idée du brut, de la matière première, le Deuxparquatre incite les gens à revenir à l’essentiel, il leur rappelle que les meilleurs moments de party se terminaient souvent dans la cuisine, entre la vieille table et la lampe héritée de la Grand-mère. « Les gens nous apportent des vieilles affaires qui ont du vécu, qui ont de l’histoire, confie Marc. On les met au Pub parce que c’est ce qui fait que les gens se sentent bien, se sentent chez eux, peu importe leur métier ou leur classe sociale. »
En entrant dans ce pub, vous aussi vous êtes pris de cette sensation agréable d’arriver au camp de chasse pour les vacances. Et c’est en ressentant cette ambiance de fête et de lâcher-prise qui vous envahi que vous comprenez véritablement le conseil de Marc : « Dis-toi que l’Abitibi-Témiscamingue, c’est plus que nos sites et attraits. Prends le temps. Si tu veux être à la course pour tout voir, oui, tu vas aimer, mais tu vas manquer l’essentiel. Prends le temps d’aller te promener autour du lac Osisko. Prends le temps de chaque petite chose. Prends le temps de venir voir ce que t’as pas chez vous : notre nature et des gens comme nous autres. Viens jaser avec nous. »
Les coups de cœur de Marc Provencher en Abitibi-Témiscamingue :
- À Louvicourt, un arrêt Chez Popol pour sa poutine ultra traditionnelle (rien de spécial mais son resto est absolument incroyable). C'est une pause dans le temps;
- Le lac Faillon, à Senneterre (allez voir le fameux coucher de soleil de notre carte de la RAMQ);
- Faire la route entre Preissac et Amos en moto et monter au Belvédère;
- Regarder un levé de soleil assis sur la côte météo à Rouyn;
- Une nuitée au camp rustique La Cigale durant l'hiver au Parc national d'Aiguebelle;
- Faire la route en moto entre Rollet et Angliers;
- Admirer le lac Témiscamingue à partir de la halte routière à la sortie de Notre-Dame-du-Nord vers Guigues;
- Prendre une bière à l'Abstracto, à Rouyn-Noranda;
- Un bon déjeuner sur la terrasse du Saint-Exupéry par un matin d'été ensoleillé;
- Se réchauffer au Deuxparquatre en dégustant un bon scotch....