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Anisipi: À la rencontre de l’eau

Le territoire de l’Abitibi-Témiscamingue en est un de ressources naturelles se démarquant par leur abondance et leur qualité. Parmi les plus précieuses, on compte l’eau filtrée naturellement par l’esker Saint-Mathieu-Berry, près d’Amos, qui est une des plus pures au monde et fait la fierté de toute une population.

Une fois ce fait établi, toutefois, on est en droit de se demander : que sait-on vraiment de l’eau? Comment arrive-t-elle à nous? Comment est-elle perçue par les Premiers peuples? Est-ce une ressource menacée malgré son abondance? Comprend-on vraiment ce qu’est un esker? Dans la volonté de créer un lieu de rencontre liant éducation, tourisme, sensibilisation, ainsi que découverte du territoire et de sa population, la MRC d’Abitibi et de nombreux partenaires (la communauté de Pikogan, le Refuge Pageau, la Ville d’Amos, entre autres) se sont alliés pour créer Anisipi (eau pure, en langue anicinabe), un circuit immersif à la découverte de l’or bleu dans toute sa richesse et sa vulnérabilité, mais aussi à la rencontre du territoire, de sa culture et de son histoire.

Trois stations immersives

Situées au puits municipal d’Amos, à Pikogan et au Refuge Pageau, trois stations immersives conçues par la firme québécoise Moment Factory plongent le spectateur dans une expérience alliant les arts visuels et numériques, la musique et la narration. Ces véritables œuvres d’art nous apprennent à redécouvrir l’eau sous des angles nouveaux, au-delà de l’usage quotidien qu’on en fait. Au puits, on nous explique le parcours qui la mène jusqu’à nous; au tipi de Pikogan, on comprend la place qu’a pris cette ressource dans l’histoire et la culture des Abitibiwinnik, le rôle de la rivière Harricana comme part intégrante d’un réseau routier à travers la région, la relation qu’ils et elles entretiennent avec elle et leur façon de voir l’eau comme une entité vivante; au Refuge Pageau, on se rapproche de la faune et on cherche notre place dans l’écosystème. Dans tous les cas, il s’agit d’un moment d’éblouissement, de contemplation, de réflexion et de recueillement.

Un processus basé sur la rencontre

Pour la plupart des membres de Moment Factory formant l’équipe de création, il s’agissait d’un premier véritable contact avec l’Abitibi-Témiscamingue. Il a donc d’abord fallu se familiariser avec les lieux, aller à la rencontre des gens et de leur histoire. Très tôt, par exemple, le contact avec la population de Pikogan, entre autres son conseil des aînés, a marqué l’équipe pour imprégner l’ensemble du processus de création : « La rencontre qu’on a eue avec le conseil des aînés nous a inspirée pour tout le parcours. Depuis des temps immémoriaux, la notion de l’eau pour le peuple autochtone est considérée pratiquement comme un être vivant qui peut donner, qui peut prendre, un être qu’il faut respecter. On trouvait cette vision tellement pertinente à notre époque », explique Marie Belzile, directrice de création chez Moment Factory. L’apport des Anicinabek de Pikogan et d'autres communautés est ainsi tangible dans l’ensemble de l’expérience Anisipi, du visuel réalisé par Frank Polson (de Long Point First Nation) aux parties narrées par une femme anicinabe (parfois en langue anicinabe, d’ailleurs) entre les stations, en passant par l’intégration de Kevin Papatie (Pikogan) dans l’équipe de réalisation du court métrage présenté à la station du tipi. « Le but ultime est de sensibiliser les gens à l’eau mais aussi de marquer le territoire d’Amos de la culture anicinabe. (…) Ce qui me rend le plus fière, c’est de voir les gens  de Pikogan ou Félix du Refuge tellement heureux des rencontres, de la collaboration. Ça a créé beaucoup de rencontres entre des gens très proches dans leur territoire, mais pas dans le quotidien et ça ne fait que commencer », exprime Marie Belzile. L’importance des rencontres se reflète aussi dans l’aspect audio de l’expérience, chaque voix et chaque trame sonore ayant été choisie avec soin pour représenter la diversité du propos et la profondeur des liens créés en cours de création. Des musicien.ne.s de Pikogan ont également été mis à contribution.

Travailler avec ce qui est

L’équipe de création s’est efforcée tout au long du processus de se mettre à la place du spectateur et d’exploiter les forces déjà existantes des lieux. Au Refuge Pageau, par exemple, après une expérience aussi riche et un contact concret avec l’héritage de M. Pageau, il tombait sous le sens d’explorer des avenues plus abstraites et d’approfondir la relation avec le personnage en amenant le spectateur à la rencontre de sa mémoire. Un moment d’arrêt rapidement compensé par la station la plus interactives de toutes, où l’on se retrouve avec le pouvoir de faire apparaître en touchant les murs de splendides animaux tout droit sortis de l’univers de Frank Polson. Les enfants que l’on a retenus pendant la visite de tout manipuler autour d’eux sont alors libres de contraintes et ont l’occasion de s’éclater complètement.

Un bien commun

Bien que les trois stations constituent en quelque sorte le cœur de l’expérience, Anisipi se déploie sur tout le territoire d’Amos-Harricana, comme un rappel permanent de la richesse de la ressource hydrique et de la rencontre entre les peuples.

Ainsi, Anisipi comprend également les circuits de fontaines artistiques et des ponts couverts, une exposition d’oriflammes, un parcours citatif et un détour vers le pavillon d’interprétation de l’esker. Encore une fois, la collaboration avec la communauté abitibiwinni était incontournable, comme en témoignent entre autres les œuvres de Carlos Kistabish ornant les oriflammes ou les œuvres réalisées conjointement par des artistes autochtones et allochtones qui se dresseront aux carrefours giratoires de l’entrée de la ville dès le début de l’automne.

Pour Bernard Blais, directeur du service de la culture, du tourisme et de la qualité de vie à la Ville d’Amos, il était primordial d’inclure l’ensemble des communautés de la MRC dans ce projet d’envergure afin qu’une synergie se développe et que des offres complémentaires puissent éventuellement découler de ce grand projet : « Tout est relié dans l’offre touristique et la capacité de recevoir des gens. Supposons qu’il arrive beaucoup de touristes, la mobilisation territoriale devient importante. Il faut que les gens soient alertes et reçoivent leur part du marché, du gâteau », précise M. Blais. Anisipi devient ainsi une sorte de bien collectif pour lequel chaque communauté donne et reçoit en retour.