L’Outaouais
Sous le régime français, la colonisation est interdite en Outaouais, pour ne pas nuire au commerce des fourrures. C’est avec le régime britannique et sa nécessité de trouver du bois que se fait la colonisation de la région, tout comme pour la fondation de la ville de Hull, la toute première ville de l’Outaouais. Les bûcherons, qui suivent la rivière des Outaouais pour rejoindre les chantiers l’hiver, s’installent avec leurs familles sur des terres avoisinantes pour ensemencer et récolter des terres dont ils vendent ensuite les denrées aux compagnies forestières. L’agriculture et l’industrie forestière sont ainsi intimement liées, et la colonisation de l’Outaouais progresse ainsi, le long de la rivière des Outaouais et de ses affluents.
Les Laurentides
Alors que la région de l’Outaouais s’est organisée autour des travaux forestiers et des grands industriels les ayant menés, celle des Laurentides a pris une tangente plus structurée. C’est le curé Antoine Labelle qui est le grand maître d’oeuvre de la colonisation dans les pays-d’en-haut, car il voit le nord des Laurentides comme une terre promise pour les Canadiens-Français vivant la misère dans les seigneuries. Pendant presqu’un quart de siècle, Antoine Labelle sera la figure même du mouvement, comme en témoigne son surnom d’« apôtre de la colonisation ».
Après des problèmes financiers dans ses deux premières cures, Labelle est lui-même tenté par l’émigration aux États-Unis. Mgr Bourget lui confie alors une cure prospère, celle de Saint-Jérôme. Il prend alors conscience de l’importance du problème migratoire et pour contrer l’exil de la population vers les États-Unis, il fonde des villages le long des principaux cours d’eau.
Afin de faire coloniser certaines parties boudées par les Canadiens Français, Labelle usera même d’une astuce : il fait partir la rumeur qu’une église sera construite dans Wolfe et Salaberry et que des gens de Saint-Jérôme sont sur le point de s’approprier les lots. Il n’en faut pas plus pour intéresser certaines personnes de Sainte-Agathe. La crise économique fait les reste du travail, convaincant les ouvriers désoeuvrés de la grande ville à se lancer dans l’aventure de la colonisation.
C’est par canot que les premiers colons arrivent, dans des embarcations chargées à ras-bord de la totalité de leurs biens. Convaincus par un beau dimanche dans les paroisses de Saint-Bernard-de-Lacolle, où a exercé le curé Labelle, de Montréal ou de Terrebonne, ces courageux défricheurs sont surtout des pauvres ayant subi la faillite ou des agriculteurs malchanceux tentant de repartir à zéro. Généralement, le père de famille arrive à l’automne pour prendre possession de son lot, d’une centaine d’acres en moyenne, et dispose de 4 ans pour en cultiver le dixième et y bâtir sa maison afin d’en devenir le propriétaire légitime.
Pour le curé Antoine Labelle, la construction du chemin de fer constitue le nerf de la réussite économique de la région. Il en a lui-même tracé le trajet, mais ses pressions politiques pour l’obtenir n’aboutissent qu’après le rigoureux hiver 1872. Alors que de nombreux pauvres meurent de froid à Montréal, le curé Labelle organise un convoi de 80 voitures chargées de bois de chauffage qu’il distribue gratuitement. Il démontre ainsi aux autorités l’importance de l’industrie forestière du nord et la nécessité d’entreprendre la construction d’une ligne de chemin de fer reliant Montréal à Saint-Jérôme. Celle-ci sera inaugurée en 1876.
Celui que l’on appelait aussi « le roi du Nord », Antoine Labelle, décède en 1891, un an avant la prolongation du chemin de fer jusqu’à Sainte-Agathe. Il ne verra donc pas le développement touristique qu’il avait tant souhaité, mais les choses arrivent bien telles qu’il l’avait prédit : le service ferroviaire partant de Montréal jusqu’à Mont-Laurier, baptisé « Le petit train du nord », confirme la vocation touristique de la région.
Alors que certaines tentatives minières s’avèrent un échec pour les investisseurs, que les terres agricoles sont ingrates et que les forêts sont exploitées sans souci de reboisement, l’industrie touristique devient vite la solution économique la plus viable pour les Laurentides. En effet, les paysages pittoresques et l’air pur des montagnes attirent les Montréalais en quête de nature, de loisirs et de repos, et l’arrivée du chemin de fer, tant attendu par le curé Labelle, rend possible le développement de la villégiature. Des installations de ski alpins, des hôtels et des installations de camp d’été ouvrent leurs portes, pour le plus grand plaisir des visiteurs.
L’Abitibi-Témiscamingue
Le Témiscamingue se colonise, à partir des années 1880, un peu de la même façon que l’Outaouais, c’est-à-dire avec des colons qui s’installent petit à petit autour des chantiers forestiers. Quant à l’Abitibi, il fait, comme les Laurentides, l’objet d’un plan de colonisation organisé par le clergé. En 1903, le gouvernement fédéral de Wilfrid Laurier décide la construction du chemin de fer Transcontinental, pour ouvrir le nord du pays et unifier le Canada.
Cette voie ferrée, dont la construction s’est terminée le 17 novembre 1913 à Senneterre et qui traverse le pays, des maritimes jusqu’en Colombie-Britannique, facilite alors grandement la colonisation de l’Abitibi. L’Église s’empare alors de l’opportunité de créer une communauté d’agriculteurs catholiques à l’abri des tentations de la grande ville. De 1912 à 1917, l’abbé Yvanhoë Caron fait la promotion d’un nouveau monde où se trouvent « l’aisance, la fortune, l’avenir, le salut…»
Afin de convaincre les futurs colons, il organise des excursions leur permettant de visiter leur future région d’adoption. Les terres argileuses à l’est du lac Abitibi impressionnent par leur qualité comparable à celles des basses-terres du Saint-Laurent, mais les lots octroyés aux colons ne sont pas toujours aussi beaux : certains sont très rocheux et donnent la vie dure aux défricheurs.
Pour en savoir plus sur la colonisation de l’Abitibi-Témiscamingue :