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La 7e Édition du Cabaret des mots en Abitibi-Témiscamingue : Démocratiser la littérature par le spectacle et la jeunesse

« La littérature, ça peut être léger, sérieux, drôle et touchant. Ça peut nous faire vibrer tout en nous offrant une ouverture sur le monde et un goût pour la lecture. »

Samuel larochelle
Par Claudie Ouellet 

C’est en 2019 que le journaliste, romancier et chroniqueur Samuel Larochelle, alors président d’honneur du Salon du livre de l’Abitibi-Témiscamingue, propose d’organiser un Cabaret des mots. S’appropriant le concept du cabaret – endroit où l’on consomme des boissons alcoolisées tout en profitant d’un spectacle de variétés – il y donne une tournure spécialement littéraire. Pourquoi ne pas reprendre cette idée, mais ce qu’on viendrait y boire, ce sont les mots de différent.e.s écrivain.e.s du Québec?

Photo : Sylvie Tremblay

Le projet va comme suit : Au micro, plusieurs artistes sont invité.e.s à lire de courts textes selon un thème donné. Le Cabaret des mots fait alors office d’un lieu de rencontre intéressant entre les auteurices, leurs textes et le public. Le concept, ayant créé un engouement certain chez l’auditoire, devient par la suite indépendant du Salon du livre. Étant originaire d’Amos et avec des études en journalisme comme bagage, Samuel lancera donc le Cabaret des mots en Abitibi-Témiscamingue dans le but de faire découvrir différentes plumes de la région. Depuis la première édition en septembre 2019, le projet a dû surfer sur les vagues de la pandémie COVID-19, tantôt en présentant des formules en personne, tantôt en virtuel.

Place aux ados!
Ces va-et-vient ne sont toutefois pas venus à bout du projet de Samuel. En effet, la 7e édition du Cabaret des mots s’est déroulée du 11 au 14 octobre dernier dans quatre villes de l’Abitibi-Témiscamingue. Pendant 75 minutes, 6 auteurices [1] issus de milieux sociaux et littéraires distincts se donnèrent en spectacle avec pour sujet commun l’adolescence. Les artistes ont donc pris le micro pour lire de courtes œuvres à la fois drôles, percutantes et touchantes. Du texte d’opinion au conte; du récit humoristique à la poésie en passant par la nouvelle, les genres littéraires présentés étaient aussi variés que les écrivain.e.s eux-mêmes. Par leurs personnalités, leurs histoires personnelles et leurs styles d’écritures, leurs regards portés sur l’adolescence déployaient un éventail de point de vue. Des relations parent-enfant, de la réalité des écoles secondaires aux « casiers couverts de fresques douteuses [2] » à celle des corps qui changent, jusqu’aux amitiés et amours de jeunesse, les textes ont su révéler de profondes sensibilités : « Tu vas te tromper plus d’une fois. Tu vas avoir peur […] mais jamais tu ne vas le regretter [3]. »

La littérature, une affaire pour toustes
Il va sans dire que le concept du Cabaret des mots est novateur et subversif en soi. Parce que la lecture et l’écriture sont habituellement des activités « silencieuses » et « solitaires », le fait de présenter des textes sous forme de spectacle permet un rapprochement direct entre l’auteur et son public : contact qui, quand on y pense, est à peu près inexistant. Selon Samuel, « l’idée c’était de démocratiser la littérature et de la rendre accessible à un plus large public. » Le Cabaret des mots permet ainsi de transposer l’art littéraire dans un autre contexte que celui de l’institution scolaire ou celui de la lecture en solitaire.

Photo : PierLuc Létourneau

La démocratisation de l'art littéraire
De plus, s’adresser et écrire spécifiquement aux adolescents permet de se distancier d’un élitisme intellectuel souvent protégé par et pour les universitaires. L’idée d’une littérature sacrée, uniquement réservée aux adultes ayant compris ses codes, se voit alors déconstruite. « La littérature, ça peut être léger, sérieux, drôle et touchant. Ça peut nous faire vibrer tout en nous offrant une ouverture sur le monde et un goût pour la lecture [4]. » Pour Anthony Dallaire, « ce type d’événement permet de rendre la littérature, la poésie ainsi que les mots plus accessibles à tous. L’édition spéciale ado était particulièrement plaisante, car on a tous déjà été des adolescents! »

En créant le Cabaret des mots en Abitibi-Témiscamingue, Samuel Larochelle avait pour ambition de populariser la littérature et de la rendre autant accessible que les autres formes d’arts. Car oui, l’art littéraire peut, lui aussi, être présenté sous forme de spectacle pour ainsi créer un moment de partage entre les artistes, leurs œuvres et leur auditoire. La thématique de la 7e édition est également porteuse d’une valeur de démocratisation de la littérature. En effet, positionner les adolescents comme sujet central d’écriture et de réception conteste l’idée que cette dernière ne serait réservée qu’aux intellectuels l’ayant de prime abord étudié.

D'autres lieux de rencontre pour la littérature 

Bien que l’objectif du Cabaret des mots soit d’éloigner la littérature de l’institution scolaire, il va sans dire que cette dernière représente un vecteur culturel important pour la jeunesse québécoise. L’école a en effet un rôle crucial à jouer pour ce qui est de faire découvrir différentes formes d’arts aux jeunes. Mais l’institution scolaire comporte ses limites. En effet, Samuel remet en question les lectures obligatoires qui ne laisseraient pas assez d’espace aux jeunes de découvrir ce qu’ils aiment en matière de lecture [5]. La frontière devient alors difficile à tracer entre l’obligation et le libre arbitre, entre l’ennui et le plaisir.

Samuel, un acteur culturel influent

Avec deux romans publiés en septembre 2022 [6], le Cabaret des mots en Abitibi-Témiscamingue, un projet à Montréal ainsi qu’un troisième à Québec, il va sans dire que l’automne de Samuel fut particulièrement chargé en projets artistiques. Pensons-y, en seulement douze jours, ce dernier a produit, a animé et a performé au sein de chaque spectacle, et ce, dans trois régions différentes. Par ses innombrables projets artistiques, Samuel Larochelle est assurément un acteur culturel influent qui incarne le génie créatif témiscabitibien dans toute la province! Restons à l'affût pour les prochaines éditions du Cabaret des mots en Abitibi-Témiscamingue.

[1] Les artistes témiscabitibien.ne.s présent.e.s à la 7e édition étaient Valérie Côté, Anthony Dallaire, Frédérik Fournier, Gabrielle Izaguirre-Falardeau, Pascale Langlois et Samuel Larochelle.
[2] Gabrielle Izaguirre-Falardeau.
[3] Anthony Dallaire.
[4] Samuel Larochelle.
[5] Lire à ce sujet : Tzvetan Todorov, « Livres et vivre », Le Débat, 2005/3, n.135, p.53-63.
[6]Samuel Larochelle et Ève Patenaude, Le plus petit sauveteur du monde, Montréal, XYZ, 2022, 100 pages.
Samuell Larochelle, Burno Pelletier – Il est venu le temps, Montréal, Libre Expression, 2022, 375 pages.